Instructions à un jeune architecte

Publié le par Elisabeth Pélegrin Genel

Instructions à un jeune architecte

On utilise des photos, des débuts de nouvelles, pour amorcer une histoire, une brève nouvelle, toujours en rapport avec un espace. Il s’agit de saisir la première idée qui vient, de prendre un parti et s’y tenir, le pousser et l’explorer, de travailler sur la cohérence et la structure.

On travaille sur ses propres projets (avec des textes ou des exposés) : se faire comprendre des autres, détailler clairement une démarche, apprendre à hiérarchiser les informations à donner, défendre son parti, anticiper des critiques, mais aussi emmener son interlocuteur, le faire rêver, lui donner à son tour la capacité d’imaginer.

On s’interroge sur l’architecture mais aussi sur son métier. Quelles représentations en a-t-on ? Pour amorcer un débat sur la profession et sur les études d’architecture, l’exercice proposé est original. On lit d’abord le magnifique texte, très littéraire, de Julio Cortazar « Instructions pour pleurer » et on s’en inspire librement pour écrire les « Instructions à un jeune architecte ».

 

Etre architecte, c’est bâtir. Bâtir par le dessin. Ses armes, du papier, un crayon (bon d’accord, l’ordinateur, mais ça fait moins rêver). Le trait qui devient matière.  La pensée qui se construit. L’encre qui se fait mur.  Le vide qui se modèle.

            L’architecte est altruiste. C’est pour l’autre qu’il construit. Il doit le servir, servir la vie. Lui être voué.

            L’architecte est poète. Il joue le contraste et la texture, les ombres et la lumière. Il en dompte les rayons, les projette, les capte, les brise, les concentre, les diffuse, les détourne, les apprivoise. Il collabore avec le soleil, avec les saisons. Il s’enrichie de leurs humeurs et de leurs variations. Leurs défauts autant que leurs merveilles.

            L’architecte est voyageur. Il part à la rencontre du monde et de l’homme. Il veut le comprendre.

            L’architecte est polyglotte. Il parle l’ingénieur, le maçon, le charpentier, l’électricité, l’eau, le bois, le béton, le verre, la terre…

            Avant tout être architecte c’est travailler en équipe. S’associer dans une cause commune. S’enrichir des compétences de l’autre et partager les siennes. Seul il n’existe pas.

Johanne Bréhat

 

Tout d’abord tu prendras un crayon. Un de ces beaux crayons à papier que l’on trouve dans les papeteries bien fournies. Ta feuille sera déjà posée sur ton bureau, attendant le tracé de tes doigts novices en la matière.

Tu commenceras par tracer, essayant de rester droit. Au fur et à mesure, d’autres traits suivront. Des diagonales, des verticales, des horizontales et même, ponctuellement, des courbes. Ce méli-mélo de graffite s’assemblera ; tu lui donneras un sens, une cohérence. On reconnaîtra là un mur, poché de noir et éventuellement une fenêtre qui le percera. Et le regard s’élargissant et englobant toute la feuille, on découvrira le plan dans sa totalité ; un plan qui changera et évoluera à force des changements que tu apporteras dans les façades de ton bâtiment, aux matériaux que tu lui donneras. Un plan dont on se rapprochera quand viendra le passage de la feuille à la construction bien concrète.

Tu imagineras des ambiances, les retranscrira sous forme de schémas, de croquis.

Et tout cela, tu l’expliqueras aux entrepreneurs qui se chargeront de la construction de ce bâtiment grâce aux divers documents aux noms barbares que tu auras dessiné ou rédigé.

Peu à peu, au fil des visites de chantiers, des engueulades avec les ouvriers, tu verras, le cœur frémissant, ce bâtiment, ton bâtiment, émerger de terre, te disant « ça y est, je suis architecte » et le réalisant seulement à moitié.

Et tu te rappelleras de ta feuille de papier, si loin maintenant.

Constance Ringon

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