Une observation de l'école

Publié le par Elisabeth Pélegrin Genel

Les étudiants sont allés observer un lieu de leur école (exercice de 30 minutes)

Ecouter, voir, sentir, percevoir, écrire d’abord sous forme de notes, puis, en retravaillant son texte. Porter un nouveau regard sur un environnement banal, questionner cet espace, ce qu’il permet, ce qu’il interdit, dans quel état il met, exprimer les sentiments qu’on a vis-à-vis de lui ou rester le plus neutre possible.

Les étudiants ont été invités à observer leur école. Le but est de confronter sa vision d’un même équipement familier, de s’interroger sur ce que l’école représente, sur sa posture d’étudiant, sur ce qu’on attend de ce lieu.

 

C’est le cordonnier le plus mal chaussé.

A chaque dicton sa marge de manœuvre et d’aménagement, non ? Que dire alors des architectes ? Et de l’endroit où ils partagent leur vision de l’architecture ?

Que dire alors des toilettes de la cafétéria de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse ?

Une touche de chlorophylle dopée au néon dans un monde de béton qui vieillit mal, très mal.

Oui, je parle du toilette de droite, le plus proche du mur extérieur. Au cas où il y ait des néophytes, depuis l’année dernière, se développent une puis deux branches de lierre dans deux des angles du plafond dans cette partie essentielle de la logistique de l’école. Pour ceux qui ne comprendraient pas, cela se résume à une douzaine de feuilles vert anis – j’ai compté ! – au-dessus des chiottes.

Je ne sais pas vraiment comment il faut percevoir cette touche de développement durable ; tout le monde a l’air d’y porter un certain respect : la tige continue de s’enrouler tranquillement, pudiquement plutôt, au vu des circonstances, entre deux chasses d’eau.

Et si l’on tombait les murs, que dire alors ?

Régis Carbonie Suils

Je me suis assise sur la murette à côté des rangements à vélo.

J’aime bien cet endroit.

Il est situé entre la terrasse de la cafét et la pelouse de l’école.

On y voit le prunier d’un lotissement contigu à l’école.

Il donne à l’air une odeur un peu sucrée.

Il y a aussi un pin en face et aujourd’hui des bruits d’oiseaux.

Le bruit des voix des gens assis à la terrasse de la cafét.

Ce qui est extra, c’est de marcher sur les rangements à vélo ; pour faire le cirque.

Et ces odeurs encore !

Celle de l’herbe et celle de la clope des garçons qui sont aussi assis sur la murette.

Il y a le vent, et puis quand on tourne la tête la vue sur l’école.

Du béton et du verre avec un peu de lierre parfois.

Et puis sur le toit, on voit des triangles en tôle formés par les sheds.

En ce moment, des ouvriers travaillent dessus.

Ils circulent tranquillement entre nous et les avions.

Il fait bon.

La vie va bien. 

Clemence Manachere

L’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse

« Fille de l’architecture moderne, développée selon les principes d’un plan libre prévu pour une

croissance multi-directionnelle illimitée et couverte par une toiture terrasse ».

Toiture terrasse ? Qu’est-ce qu’une toiture terrasse ?

Ici, c’est une étendue de toits plats, ponctuée ça et là par des relevés formant des patios en

creux, ou des éléments proéminents, en tôles blanches appelées shed. Le shed, cette belle idée

amenant la lumière par le haut en n’offrant à la vue que le ciel.

Ici, la toiture terrasse constitue un continuum d’étanchéité bitumineuse autoprotégée.

Etanchéité bitumineuse autoprotégée soi-disant. Enfin, jusqu’à présent, lorsqu’il pleut dehors, il

pleut dedans. Les seaux, les poubelles ou autres récipients fleurissent dans les couloirs de

afin de récupérer les gouttes d’eau et éviter que la pérennité du revêtement de sol noir ne soit

entamée. Mais les temps changent. Une nouvelle ère va débuter à la fin de l’année scolaire. Les

travaux de réfection de toiture ont été soumis, noté, discutés, approuvés, validés, entrepris et

sont maintenant en cours d’exécution. Le matériel est arrivé. Les matériaux aussi. Les petits

bonshommes s’exécutent sur les toits, loin des regards, flammes à la main, sous le soleil, pendant

que tous s’activent sous eux.

Fabien Castro

 

Le premier jour où je suis allé à l’école, pour m’inscrire, j’ai eu du mal à trouver l’entrée, la faute un panneau directionnel mal placé. Et depuis bientôt trois ans que je la fréquente, et particulièrement maintenant, planté devant, je me demande comment j’ai pu la rater cette entrée.  Ce grand auvent rouge qui n’abrite rien et cette paroi vitrée qui vitre tout. Ça donne une image correcte, on a l’impression d’un bâtiment récent, ce qui en fait n’est pas le cas, mais comme ça de la rue, cela ne se voit pas.

Elle a été un peu customisé cette entrée depuis, d’abord, une petite porte automatique, ensuite une petite grille. On a plus tellement envie de rentrer maintenant, mais de sortir. Cela tombe bien cela sert aussi à ça, une entrée.

Maxime Capelle

 

Le hall de l'administration, ses fauteuils en cuir où l'on s'assoit volontiers mais d'où se relever est un vrai calvaire, on y est si bien!

Lieu vide avec si peu de passage, si bien que les fauteuils semblent neuf, de même que le sol. Cela est dût à l'activité intensive de ce lieu.

Comme partout, ici, les lumières sont allumées malgré le patio si généreux.

Il est 4h, ces lieux se vident déjà. Des bruits de clé, des voix, un téléphone sonne, discussion extra professionnelle.

C'est un lieu en marge de l'école, que l'on passe sans voir, que l'on méprise à cause d'une idée préconçue que l'on a des fonctionnaires, qui semble ici, il est vrai, très juste, voir même trop!

Un présentoir d'informations vides me regarde, personne n'a pris la peine de le remplir afin qu'il honore sa fonction. J'engagerais volontiers la discussion avec cet escalier qui me domine; au moins un mètre cinquante de large, voir deux, tous ces efforts pour arriver où? Au bureau du directeur! Et oui, quel honneur!

Aussi âgé que le reste de l'école, il doit se sentir bien seul, et déçu d'avoir si peu de choses à nous dire, tellement il est en marge du fonctionnement! Peut-être a t-il réussi pendant les quarante années qu'il a passé là, à ouïr quelques potins, cela ne manque pas ici! Peut-être, il reste muet.

Mais quel endroit tout de même! Je regarde mieux, je lève les yeux, vraiment quel lieu sans ordre, sans qualification! Gisent là cinq fauteuils, une imprimante, une machine étrange, une table au milieu du passage, une serpillière... On refait l'étanchéité au dessus de ma tête, quelle angoisse!

Je vois les ombres des ouvriers qui se projettent dans le patio. On ne me voit pas, la vitre dispose d'un film miroir.

Et là, je m'imagine que l'on supprime cet endroit et tout ce qu'il représente, sensation étrange, il ne me manquerait pas! Peut-être même nous ne le remarquerions pas. Lieu en marge que l'on tente d'effacer, d'oublier, dont les acteurs semblent être de simples figurants posés dans un décor qui les masque pour mieux les dissimuler. 

Mélanie Moles

 

La boucherie

En période de rendu, qu’est-ce qu’on peut y passer comme temps !

Je me suis rarement autant énervée qu’ici. Impuissante devant cette satanée imprimante couleur qui ne sort toujours pas ma feuille A3 alors que ça fait quatre fois que je relance l’impression et que ça fait vingt minutes que j’attends. Et encore, s’il n’y avait que ça. Non, il faut que le traceur n’ait plus d’encre. Quinze minutes de perdu. Et toutes les impressions en attente qui s’accumulent. C’est sûr, le serveur va saturer. J’ai dû réimprimer sept fois cette coupe, à chaque fois les hachures étaient différentes et de pire en pire.

Je cours relancer une cinquième fois l’A3 couleur. J’appelle le moniteur. Je n’ai plus le temps. Le rendu commence. Evidemment, il ne peut rien faire pour moi. C’est un étudiant qui a voulu imprimer un fichier trop lourd qui bloque tout le réseau. Si je pouvais l’étrangler ! Ah, ça y est, des feuilles sortent. Non, pas les miennes. Et puis, soulagement, l’imprimante crache enfin le fameux A3 en cinq exemplaires au lieu d’un évidemment. D’un seul  coup, la tension retombe et je cours, triomphante, vers l’atelier.

Hélène Félix Faure

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article